un texte de slam que j'adore
c'est Grand Corps Malade
né le 31 juillet 1977 sous le prénom de Fabien, sous le soleil de Seine-Saint-Denis, sous le signe du lion et sous les yeux de sa mère qui, déjà à l'époque, lui donne un surnom composé de trois mots : Petit Chaton Bleu.
La nuit est belle, l'air est chaud et les étoiles me matent.
Pendant qu'on kiffe et qu'on apprécie nos plus belles vacances.
la vie est calme, il fait beau, il est 2 heures de mat. On est
quelques sourires à partager notre insouciance. C'est ce
moment là, hors du temps, que la réalité a choisi. Pour montrer
qu'elle décide et que si elle veut elle nous malmène. Elle a
injecté dans nos joies comme une anesthésie. Souviens toi de
ces sourires, ce sera plus jamais les mêmes. Le temps s'est
accéléré d'un coup et c'est tout mon futur qui bascule. Les
envies, les projets, les souvenirs, dans ma tête y'a trop de
pensées qui se bousculent. Le choc n'a duré qu'une seconde
mais ses ondes ne laissent personne indifférent. "Votre fils ne
marchera plus", voilà ce qu'ils ont dit à mes parents. Alors j'ai
découvert de l'intérieur un monde parallèle. Un monde où les
gens te regardent avec gêne ou avec compassion. Un monde
où être autonome devient un objectif iréel. Un monde qui
existait sans que j'y fasse vraiment attention. Ce monde-là vit
à son propre rythme et n'a pas les mêmes préoccupations.
Les soucis ont une autre échelleet un moment banal peut être
une très bonne occupation. Ce monde respire le même air
mais pas tout le temps avec la même facilité. Il porte un nom
qui fait peur ou qui dérange : les handicapés. On met du
temps à accepter ce mot, c'est lui qui finit par s'imposer. La
langue française a choisi ce terme, moi j'ai rien d'autre à proposer.
Rappelle-toi juste que c'est pas une insulte, on avance
tous sur le même chemin. Et tout le monde crie bien fort qu'un
handicapé est d'abord un être humain. Alors pourquoi tant
d'embarras face à un mec en fauteuil roulant. Ou face à une
aveugle, vas-y tu peux leur parler normalement. C'est pas
contagieux pourtant avant de refaire mes premiers pas.
Certains savent comme moi qu'ya des regards qu'on n'oublie
pas. C'est peut-être un monde fait de décence, de silence, de
résistance. Un équilibre fragile, un oiseau dans l'orage. Une
frontière étroite entre souffrance et espérance. Ouvre un peu
les yeux, c'est surtout un monde de courage. Quand la faiblesse
physique devient une force mentale. Quand c'est le plus
vulnérable qui sait où, quand, pourquoi et comment. Quand
l'envie de sourire redevient un instinct vital. Quand on comprend
que l'énergie ne se lit pas seulement dans le mouvement.
Parfois la vie nous teste et met à l'épreuve notre capacité
d'adaptation. Les 5 sens des handicapés sont touchés mais
c'est un 6ème qui les délivres. Bien au-delà de la volonté, plus
fort que tout, sans restriction. Ce 6ème sens qui apparaît,
c'est tout simplement l'envie de vivre.