Une fois de plus, je suis écoeurée par le comportement des instances, ayant organisé la dernière plate forme de prévention sida (1). Cette dernière a été pensé de façon sectaire, discriminatoire et confidentielle, entre « gens bien ». La prévention certes, mais pour ceux qui ont les moyens de leur maladie. Les pauvres n’ont qu’à continuer de servir de cobayes ou à crever derrière les hauts murs de l’indifférence !
Une lettre ouverte de Catherine (2).
En effet, cette plate forme de prévention a été organisée de façon à bouter les hétérosexuels pauvres, derrière les murs infranchissables du programme de prévention du sida à deux vitesses (3). Normal, me direz-vous, peut être que les hétérosexuels ne transmettent pas le sida ils se contentent de le choper ?! !
Puis, les plus riches ont besoin des plus pauvres pour les étudier, tester les médicaments, les éprouver scientifiquement, afin qu’ils puissent grâce à eux se soigner et se prémunir dans des conditions optimales ? ! Manque plus que les extractions d’organes de force et obligatoires sur les plus pauvres et la boucle est bouclée ! ! !
C’est de cette façon que ma fille séropositive et moi même percevons l’information. Une fois de plus nous sentons humiliées par ce choix discriminatoire et ferons tout pour le porter soit devant les tribunaux, si nous n’obtenons pas de réponse, soit sur la place publique. D’une façon ou d’une autre je tenterais de sauver ma fille par n’importe quel moyen Elle aussi aura peut être droit à une transplantation cardiaque haut de gamme à l’instar de Charlotte Valandrey, si son cœur fragile venait à lâcher. Et si je n’arrive pas à la sauver, ce ne sera pas faute d’avoir essayé…
Durant toutes ces dernières années, je me suis rapprochée de la communauté gay dans les associations que j’ai pu fréquenter, j’ai discuté, écouté, défendu becs et ongles tous ces mecs contre vents et marées, j’ai dû même parfois, décrypter à ma fille les propos de certains qui portaient leur sexualité débridée comme un étendard, lorsqu’elle en était le témoin ébahi et inopportun.
Plusieurs fois, je suis allée relancer un de mes neveux, homosexuel, malade du sida, dont je suis très proche, pour qu’il m’aide à comprendre les ressorts de la psychologie gay.
Je suis en outre, partie plusieurs fois en ressourcement avec les « sœurs » de la perpétuelle indulgence, pour lesquelles j’ai un profond respect car elles m’ont sauvé la mise à une certaine époque, donc pas d’homophobie dans mes propos, juste le froid constat d’une réalité issue de la pauvreté et de « l’hétérophobie ».
Aujourd’hui, cette même communauté nous renvoie ma fille et moi ainsi que tant d’autres, à notre néant matériel et identitaire, nous n’existons pas. A leurs yeux nous sommes déjà morts, ils nous ont déjà enterrés. Mais, ils ont oublié une chose, c’est que certain(e)s, dont je fais partie, ne sont pas prêts à abdiquer devant cette mort programmée d’avance, sur le grand ordinateur du pouvoir et du profit.
Personne ne s’émeut en cette veille d’élection, que des gens crèvent du mépris avec lequel ces instances les traitent, du haut de leur suffisance dévastatrice.
Beaucoup plus pratique d’aller chialer à vingt sur un disque chaque année, le jour du Sidaction (4), que de prendre parti pour une gamine, sa mère et tant d’autres, qui n’en peuvent plus de l’exclusion.
Ce n’est pas le sida qui tue le plus aujourd’hui, c’est la paupérisation galopante issue de la course au libre échange, de l’indifférence, de l’individualisme forcené et de la sectarisation du malheur.
Je n’aurais jamais cru que l’honnêteté et la pauvreté étaient sœurs jumelles, lorsque l’on ne naît pas du bon côté de la barrière, côté Marais, sidaction, mairie de Paris et subventions.
A quoi bon inclure ma fille et d’autres dans ce programme, puisque si elle décidait d’aller en boite pour draguer, elle ne pourrait pas repartir avec n’importe quel jeune homme. Elle ne pourrait pas avoir des rapports non protégés avec lui, elle est trop moche, trop stigmatisée, le mec saurait tout de suite qu’elle a le sida ! ! !
Tout ce que je viens de raconter sur le physique de ma fille est évidemment faux, ma fille est une petite poupée née séropositive il y a 24 ans, jolie comme un cœur — personne ne peut, ne serait ce qu’imaginer qu’elle est porteuse du VIH ou d’une quelconque maladie, elle ne porte pas encore les stigmates de cette terrible maladie…
Dans le cas d’une rencontre entre jeunes, telle que je la décris plus avant, en boite ou ailleurs, seule la prévention dans un tel contexte, peut faire la différence. Capote ou pas capote ?
La prévention est la seule solution pour expliquer aux jeunes, français ou migrants, que le sida n’est pas inscrit sur le front des filles ou des garçons, que le sida n’est pas la maladie des homosexuels et des toxicomanes – que le sida touche beaucoup de monde — que le sida porte aussi le masque de la jeunesse — que le sida continue de tuer tous les jours.
Mais Delanoé est bien un mec de gauche non ? Comme son pote Jacques Lang ? Deux grands humanistes dont l’un était à l’éducation nationale, à l’époque ou ma fille s’est fait frapper par des élèves de son lycée à cause de sa sérologie HIV. Ce que la conseillère d’orientation et l’infirmière de ce lycée, ont cru devoir dévoiler, devant un parterre d’élèves médusés, dont certains l’ont frappée quelques jours plus tard. C’est moi qui l’ai conduite à l’hôpital.
J’ai à l’époque interpellé le ministre concerné, celui de l’éducation nationale Jacques Lang, pour ne pas le nommer, ainsi que madame Guigou. J’ai leurs lettres à la maison. J’ai même déposé des doubles chez des amis. Ma fille n’a Jamais pu remettre les pieds dans ce lycée ni même dans un autre d’ailleurs. Le traumatisme étant trop important et trop lourd à porter pour une jeune fille de son âge, par ailleurs très curieusement, aucune cellule psychologique ne lui a été proposé à l’issue de cette ignominie ! ! !
Après avoir demandé une rencontre entre l’infirmière, la conseillère d’orientation et la direction de l’établissement scolaire, afin de dédramatiser la situation, nous nous sommes rendues ma fille et moi, accompagné d’un conseiller juridique de l’association AIDES ARC EN CIEL (5) à la réunion de médiation que j’avais demandée durant laquelle la directrice n’a pas daigné rester plus de cinq minutes. Devant autant de mépris affiché, je me suis résignée à déposer une plainte qui a été classée sans suite, au bout de trois ans. Motif du refus : trop générale ! ! !
C’est en relisant les procès verbaux, dernièrement, chez mon conseil, que j’ai découvert que le conseiller juridique de AIDES Arc en ciel avait menti, je ne puis dévoiler le contenu du procès verbal, sans violer le secret de l’instruction. Aujourdhui, je sais que ce type est directeur d’un pool de AIDES, qu’il a adopté l’enfant d’une malade africaine qui venait à l’association...
En parallèle, de nombreuses fois, je me suis rendue avec ma fille à l’association ACT UP à plusieurs années d’intervalle pour essayer de me faire aider sur le dossier de ma fille. Lors de ces visites rue Sedaine, à part une ou deux personnes sans pouvoir, je n’ai trouvé en ces lieux que misère humaine, luttes intestines et volonté de me faire lâcher prise. Je m’y suis même rendue avec mon avocate qui a été choquée par les propos du conseiller juridique de l’époque (année dernière).
Silence on tue.
Act Up Paris nous a laissé tomber à deux reprises, ce qui procède d’une volonté sans limite d’exclure du système cette gamine, qui se bat depuis des années avec un courage exemplaire.
Avant toutes ces histoires, elle était un pur exemple d’optimisme et de joie de vivre, pour toute une génération de jeunes nés avec le virus du sida.
Plusieurs fois ces derniers mois, elle m’a dit qu’elle aurait préféré avoir un cancer, que pour elle ça aurait été plus simple à gérer que le sida. Quoique question subvention la ligue contre le cancer, c’était pas fameux non plus, après le passage de Crozemarie ! ! !
J’en veux à tous ces politicards de gauche, qui laissent crever ma fille en me demandant de ne pas faire de vagues, qui n’hésitent pas à lâcher la main de leurs enfants malades, ceux trop connotés pêché pour cette gauche bien pensante, qui a oublié ce que veut dire le mot humanité.
Impossible pour mon enfant de dire qu’elle est malade, elle a une lèpre sociale qu’il faut taire et cacher. Sa croix est trop lourde à porter sur le chemin de la « rédemption » sociale, heureusement qu’à défaut des institutions, ce sont quelques larrons dont Barabas qui l’aident à la porter !
En relisant ces quelques lignes je ne puis m’empêcher de me dire : depuis quand la vie des serfs intéresserait-elle les nantis ?
J’assiste impuissante à la reféodalisation du monde, à l’essoufflement de nos vies malades au sein de la cour des miracles, aux frappes chirurgicales du libéralisme, dont nous les pauvres, sommes les dommages collatéraux.
Et, moi petite Marie Madeleine parmi tant d’autres, je continue à recevoir les pierres de l’exclusion et de l’anathème en plein visage, lancées par les institutions ou les associations de lutte contre le sida, lorsqe celles ci, excluent les plus fragiles. Elles sont en ce cas précis, à l’image de leurs cousines germaines : les prisons Françaises, insalubres et mortifères.
J’espère que ceux (elles) d’entre vous qui se sentiront diffamé(e)s par ce texte, m’assigneront en justice, pour qu’enfin, je puisse obtenir la tribune que je réclame depuis des années, pour y débattre de notre réalité à ma fille et moi. Débattre du fait que non contents de ne lui avoir ouvert aucune porte, vous les lui avez régulièrement claqué au nez, ou refermée sur les doigts, avec une violence et une détermination inouïes.
Après l’interlude du lycée, plus foudroyant que le sida, ce sont les coups reçus, la culpabilisation, l’humiliation et le désespoir qui ont failli ont failli la tuer dans l’indifférence générale malgré mes suppliques, de la pure non assistance à enfant en danger...
J’ai également tenté d’interpeller Line Renaud, lors d’une visite à l’association AIDES ARC EN CIEL. Je lui ai présenté ma fille pour que celle ci lui raconte son expérience scolaire, en présence de Monsieur Saout président de AIDES, et divers autres témoins, je lui ai en outre mentionné le livre que j’ai écrit paru aux éditions Fayard « Dieu existe pour les gens comme moi » dans lequel je mentionne dans un passage la réalité de ma fille et moi.
Après le récit de ma fille, après avoir questionné monsieur Saout sur le sujet, Line renaud nous a quitté en promettant à ma fille des invitations gratuites pour des spectacles, elle est pas belle la vie ? !
Quant à monsieur Saout, je l’ai coupé tandis qu’il proposait un groupe de parole à ma fille, lui rétorquant qu’elle connaissait déjà, pour y être allée une ou deux fois, quatre ou cinq ans auparavant, que cela lui avait fortement déplu. En effet, elle ne s’était reconnu dans aucun exemple soulevé et surtout, cela ne lui avait apporté aucune réponse quant à son problème d’exclusion sociale.
Voilà la réalité des dessous de la lutte contre le sida, quand les paillettes et le profit prennent le pas sur l’humanité, la justice sociale et l’égalité des chances.
Si aujourd’hui, vous ne lui accordez pas la reconnaissance à laquelle elle peut prétendre et à laquelle elle a droit, je qualifierais cela de tentative d’homicide, argument que je suis prête à défendre devant n’importe quel tribunal, avec preuves à l’appui.
Dans une optique moralisatrice, chère à nombre d’humanistes tendance catholiques, j’ajouterais qu’ elle n’a pas « mérité » d’être malade, si tant est que quelqu’un mérite de l’être. Elle est née comme ça. C’est une pure victime au même titre qu’un(e) petit(e) malade vu(e) du téléthon, ou une rescapée de tsunami, un de ceux (celles) que l’on nous vend chaque année comme « bonne et gentille victime » pour récolter des fonds.
Mais encore, faut il qu’elle accède au tirage final du grand au loto pénal, celui de la reconnaissance victimaire, à laquelle elle peut prétendre, puisqu’elle est une des toutes premières contaminées par le VIH à la naissance !
Bonne ou mauvaise victime, j’espère que des réponses à cette lettre me parviendront, que de vrais humanistes ou mécènes me répondront, pour faire circuler l’information, ainsi que pour soutenir l’association que je suis en train de monter étayée entre autre par des familles du Comité des familles pour survivre au sida, association exempte de subventions. J’espère qu’ils (elles) prendront leur combiné de téléphone pour se manifester auprès des instances en question, décideront d’une une véritable position pour toute cette génération née avant les tri thérapies.
J’accepte n’importe quel débat pourvu qu’il soit constructif.
Je me battrais jusqu’à mon dernier souffle pour sauver ma fille du sort que le pouvoir lui a réservé, en la privant de scolarité, d’avenir et d’intégration.
Aujourd’hui, les institutions continuent à la faire souffrir, à l’humilier, en l’excluant des programmes de prévention ou de soutien mis en place pour les malades du sida.
Sarcome de Kaposi ou de Sarkosy, dans les deux cas, ça fait peur à tous ces jeunes paumés devant la maladie, qui sont bannis des programmes de lutte contre le sida, alors qu’ils sont les espoirs de demain. Mais peut-être les institutions les ont elles déjà enterrés sous une montagne de dédain et de paillettes ? ! !
J’espère que cette lettre sera envoyée aux plus nombreux et circulera jusqu’à rencontrer un écho salvateur.
Debout les humanistes ! Réveillez-vous ! Ségolène soyez royale ! Défendez nous, les droits ou les doigts de l’homme sont entrain d’étrangler la colombe… la marche du siècle est immonde….
Catherine